orages violents - 14 juillet 2010

Ce 14 juillet 2010, de très violents orages ont traversé la Belgique, et sont à l'origine de nombreux et graves dégâts un peu partout dans le pays. Ce dossier revient sur ces orages: pourquoi ont-ils été aussi violents, le récit heure par heure du déroulement de l'épisode, et le passage de ces orages sur la région de Charleroi.

Analyse synoptique

La carte ci-dessous nous montre la situation synoptique telle qu'elle se présentait à 14h00 ce 14 juillet, juste avant l'arrivée des premiers orages sur notre pays.

Le premier élément qui saute aux yeux est la présence d'une dépression plutôt creuse pour la saison sur le sud de l'Irlande. Elle amène un flux d'air très chaud sur nos régions. Deuxièmement, un front froid situé sur l'ouest de la France entraîne la déstabilisation de ces masses d'air: une ligne de creux et une dépression thermique se créent à l'avant de ce front. On note la présence d'un fort cisaillement de vent entre le sol et l'altitude: au sol, les vents viennent de l'est, en altitude, ils viennent du sud. De surcroît, le Jet-Stream, puissant ce jour-là, se trouvait justement axé au-dessus de nos têtes. Et enfin, le fort constraste de températures entre l'avant des orages et l'arrière a parachevé la mise en place d'une situation très critique. L'image ci-dessous se passe de commentaires:

Les différentes institutions météorologiques ont bien cerné le risque orageux extrême. Météo Belgique a placé la quasi totalité du pays en alerte rouge Orages. C'est la première fois que cette alerte est utilisée:

Estofex, qui émet des prévisions orageuses à l'échelle européenne, avait placé la Belgique au niveau 3, l'alerte maximale. Pour notre pays, c'était la première fois que nous nous retrouvions en alerte de niveau 3:

De son côté, l'IRM avait placé tout le pays en alerte orange. On se demandera pourquoi le rouge n'a pas été sorti pour le centre du pays, face à une situation extrême comme celle-ci!

Déroulement de l'épisode

Les orages concernent déjà le nord de la France en matinée du 14 juillet. Mais c'est seulement sur le temps de midi qu'ils commencent à sérieusement s'organiser en un système convectif de méso-échelle (MCS). A l'instar de ce qui s'est passé deux jours plus tôt (voir la page "orages et derecho" - 12 juillet 2010), une ligne d'orages très virulents (bow echo: désigne une ligne d'orages courbée) se met en place à l'avant du système, et fonce vers la Belgique. L'image radar ci-dessous nous montre clairement le bow echo en train de s'organiser sur le Nord-Pas-de-Calais à 14h00 (la couleur rouge indique des intensités de pluie très élevées): 

Les orages sont clairement visibles depuis l'espace, sous la forme de grosses boules blanches, comme le montre cette image satellite prise à 14h40. Le sommet des cumulonimbus culmine à près de 16 km d'altitude: 

A 15h00, l'orage est aux portes du Hainaut. La ligne orageuse génère déjà des vents virulents: une rafale de 146 km/h est mesurée à St Hilaire-sur-Helpe, dans le département du Nord.

A 15h30, l'orage s'engouffre sur la Belgique par la région d'Erquelinnes. Un peu plus au nord, le village de Merbes-Ste-Marie subit un très violent downburst. Au vu des dégâts, le vent a pu dépasser localement les 150 km/h. Un phénomène similaire s'abat quelques minutes plus tôt sur le Borinage. Suivent des pluies torrentielles et une activité électrique intranuageuse incessante. Peu de coups de foudre sont observés.

 A l'avant de l'orage, le ciel prend des aspects parfois extraordinaires, comme cet arcus multicouche photographié près de Merbes-Ste-Marie justement, quelques minutes avant que le downburst ne s'y déchaîne:

A 16h00, la ligne d'orage atteint la région de Charleroi et l'Entre-Sambre-et-Meuse, sans avoir perdu de sa force. C'est au tour du village de Pont-à-Celles de payer un lourd tribu à la tempête. Sur l'A54 toute proche, des dizaines d'arbres sont arrachés et bloquent plusieurs voies de circulation. Plus au sud, sur le R3 et sur l'A 503 entre Charleroi et Marcinelle, des branches et des inondations perturbent la circulation. Le parc de Strepy, près de La Louvière, est méconnaissable. Dans Charleroi même, plusieurs toits sont fortement endommagés.

A 16h30, la ligne orageuse qui se démantèle en orages multicellulaires concerne l'est du Brabant Wallon et la province de Namur. Jodoigne et Ciney sont les villes les plus sérieusement touchées: la première voit une partie du toit de son hall omnisport s'arracher, et l'autre perd le clocher de sa collégiale, qui s'effondre en contrebas. Bruxelles est également touchée, mais moins sévèrement. Bon nombre de tunnels de la capitale seront cependant fermés pour cause d'inondations.

 Dégâts à Ottignies:

Arrivée de l'orage à Purnode:

 Effet "tempête tropicale" à Grez-Doiceau:

 L'orage poursuit sa route: à 17h30, il frappe Liège et sa région. Mais c'est plus au sud, vers St-Vith, qu'il se révèle plus intense:

A 18h30, la ligne orageuse a quitté la Belgique et se restructure: elle frappe violemment les Pays-Bas et l'Allemagne. En Belgique, l'heure est au bilan. Ci-dessous, la carte des éclairs délivrés par cette offensive. L'IRM a comptabilisé près de 60 000 éclairs. C'est énorme:

 

Passage de l'orage sur Montigny-le-Tilleul

Montigny, bien que directement concernée par les violents orages, n'a pas subi trop de dégâts. On répertorie surtout des branches arrachées. Les photos ci-dessous retracent le passage de la ligne orageuse sur la commune:

15h41: le ciel s'assombit au sud-ouest:

15h48: l'orage se rapproche, mais aucun coup de tonnerre n'est entendu. Tout est calme, pas de vent:

15h56: L'orage est proche, quelques rafales de vent apparaissent, et un énorme arcus turbulent approche à toute vitesse depuis le sud-ouest:

Quelques minutes plus tard, l'arcus arrive sur Montigny, accompagné de puissantes rafales, suivies de pluies diluviennes (il tombera environ 20 mm de pluie en 30 minutes). L'activité électrique se montre incessante, mais exclusivement intranuageuse, et aucun éclair ne sera filmé de tout l'épisode.

En fin de compte, ce sont des orages particulièrement violents qui ont traversé le pays. Depuis le début de ce siècle, on retrouve peu de phénomènes tout aussi intenses et d'aussi grande étendue. Cette fois-ci, ce fut surtout le vent qui a provoqué des dégâts. L'activité électrique s'est montrée incessante et était localisée en altitude, au sein des nuages. Cela explique pourquoi peu d'éclairs furent visibles.

La Belgique subit en moyenne une à deux vagues orageuses de grande ampleur par an. Encore l'année passée, un puissant complexe orageux avait concerné l'ouest et le centre du pays la nuit du 25 et 26 mai. 

 

 

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