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Tornade Versus Downburst

Très régulièrement, la presse belge mais aussi étrangère fait l'écho d'une "mini-tornade" ayant frappé, balayé ou provoqué des dégâts à un endroit où à un autre du pays. Non-contente de ré-interpréter à sa manière les prévisions et constatations météorologiques émanant d'organismes officiels ou non, elle s'attaque à la nomenclature même des scientifiques de l'atmosphère. Bien-sûr, le but premier de cet article n'est pas d'assommer nos lecteurs avec des termes aux noms à dormir dehors, mais il faut un minimum de rigidité. Cette publication tente donc de réparer ce qui peut être considéré comme la plus grande injure de tous les temps ayant été portée au vocabulaire de la météorologie.

Règle première, à encadrer et à diffuser largement: une mini-tornade, ça n'existe pas! 

C'est une invention barbare de la presse qui désigne tout phénomène, qu'il soit tornade ou downburst - nous reviendrons plus loin sur ces termes - certes parfois impressionnant et régulièrement à la base de dégâts. Et cela empire d'années en années: nous avons dernièrement vu surgir des "mini-tempêtes", "mini-ouragans" et même des "mini-blizzards". Il n'y a pas à dire, à tout qualifier de "mini", la presse doit avoir un sacré complexe d'infériorité. Peut-être est-ce dû aux images impressionnantes, réelles ou de fiction, qui nous viennent de l'autre côté de l'Atlantique? Bref, la question n'est pas là. Remettons donc les pendules à l'heure.

La "mini-tornade" de Braine-le-Comte le 1er octobre 2006, qualifiée comme telle par pratiquement tous les médias du pays. Que serait alors une vraie tornade? On vous rassure, c'est bel et bien une tornade tout ce qu'il y a de plus réel qui a, ce jour-là, gravement endommagé une dizaine d'habitations. Elle fut d'une puissance F2 sur l'échelle de Fujita (là aussi, nous y reviendrons).

Règle seconde, OUI, la Belgique connaît de vraies tornades, comme celles des Etats-Unis. 

Il se produit environ quatre à cinq tornades en moyenne et par an, en Belgique. Certaines années comme 2006 ont vu survenir un nombre exceptionnel de tornades, tandis que d'autres années ont, au contraire, connu très peu voir aucune tornade. Certaines de nos tornades belges n'ont rien à envier à leurs homologues américaines, mais nous y reviendrons par la suite. Dans un premier temps, il nous semble intéressant d'analyser la définition qui est donnée de ce phénomène:

"Une tornade (de l'espagnol tornado, dérivé du verbe tornar, tourner) est un vortex (tourbillon) de vents extrêmement violents, prenant naissance à la base d'un nuage d'orage (cumulonimbus) lorsque les conditions de cisaillement des vents sont favorables dans la basse atmosphère. De très faibles tornades peuvent également se développer sous des nuages d'averses (cumulus bourgeonnant)" (Wikipedia, 2013).

Certes, Wikipédia n'est pas une référence absolue (quoique cela va de mieux en mieux, beaucoup de participants y font un travail formidable), mais la définition qui est donné ci-dessus est on-ne-peut-plus-claire.

Règle troisième: la tornade est un phénomène composé de vents en rotation rapide et ascendants autour d'un axe plus ou moins vertical.

Nous avons vu que la presse qualifiait de mini-tornade des phénomènes qui sont de vraies tornades. Il lui arrive aussi de qualifier avec ce pseudo-terme un phénomène qui n'est pas une tornade. Nous pouvons alors aboutir à une quatrième constatation.

Règle quatrième: dans un orage, la tornade n'est pas le seul phénomène venteux capable de provoquer de graves dégâts

Ce que la presse appelle mini-tornade est parfois un downburst, ou rafale descendante en français. C'est un brutal coup de vent, parfois très violent, qui se produit juste à l'avant de l'orage, et lié à la chute d'une masse d'air provenant de plusieurs kilomètres en altitude au sein du nuage orageux, le cumulonimbus. Le downburst peut survenir au sein de tout orage avec un minimum d'organisation, au contraire des tornades qui ont besoin d'un orage extrêmement violent, organisé et en rotation, la supercellule (encore un terme à définir plus tard).

De plus, comme cela vient d'être signalé, la tornade est animée de vents ascendants (suite à la présence d'une forte dépression en son sein) qui font converger les masses d'air environnantes, tandis que le downburst est créé au départ de vents qui descendent.

Au départ, un courant descendant existe au sein de tout orage. Celui-ci se trouve dans la zone de précipitations. Il est couplé à un courant ascendant, voisin de quelques kilomètres et qui alimente le cumulonimbus en air chaud, maintenant ainsi l'orage. Le downburst survient lorsque des précipitations (pluie et grêle) venant de plusieurs kilomètres d'altitude tombent dans une masse d'air sec. Ces précipitations s'évaporent alors et, suite à l'absorption de la chaleur latente de la masse d'air sec par cette eau se transformant en vapeur, l'air sec environnant se retrouve brutalement refroidi, et donc plus dense et plus lourd. Son poids supplémentaire entraîne son accélération en direction du sol. Le flux d'air descendant ainsi créé s'écrase alors au sol et s'étale en rayonnant à partir de son point de chute, provoquant les rafales caractéristiques du downburst.

Selon la taille du downburst, on parlera de macroburst (macrorafale en français) lorsque sa taille excède 4 km de large, et de microburst (microrafale en français) lorsque la taille est inférieure à 4 km.

L'image ci-dessous résume très bien la différence entre un microburst (et généralement un downburst) et une tornade:

downburst-tornade.gif

Source: NOAA 

Dans les grands systèmes orageux à déplacement rapide, le downburst est persistant car la vitesse de progression de ces systèmes fait en sorte que les précipitations en altitude se retrouvent constamment dans de l'air sec à l'avant du système. Cela explique aussi pourquoi le downburst prend généralement place sous l'arcus, juste avant l'arrivée des précipitations les plus intenses. Bien sûr, il faut associer ce mécanisme avec d'autres comme l'effet d'entraînement généré par la masse de précipitations tombant vers le sol, le courant descendant de départ, le courant Jet (rear inflow Jet) qui anime l'intérieur des grands systèmes...

Règle cinquième: les processus de formation des tornades et des downburst sont donc très différents

Selon la hauteur à laquelle survient l'évaporation et l'importance de cette dernière qui influence directement l'importance du refroidissement de la masse d'air environnante, le downburst sera plus ou moins violent. Les plus forts d'entre eux peuvent engendrer des vents largement supérieurs à 200 km/h et provoquer ainsi d'énormes dégâts s'ils frappent des zones habitées. En Belgique, le plus puissant downburst mesuré s'est produit à Werbomont (Ferrières, province de Liège) le 10 août 1956, avec une valeur de 166 km/h (la deuxième plus forte rafale du 20ème siècle en Belgique). Signalons aussi une rafale de 150 km/h à Ostende le 6 juillet 1957 et 133 km/h à Uccle le 18 juillet 1964 (IRM, 2013). Plus près de nous, le MCS du 14 juillet 2010 s'est accompagné de rafales jusqu'à 137 km/h à Florennes (Belgorage, 2010). Cependant, les anémomètres belges (appareils mesurant la vitesse du vent) sont relativement peu nombreux et inégalement répartis à travers le pays, de telle sorte que bon nombre de downbursts qui, rappelons-le, sont des phénomènes d'échelle locale, ne sont pas enregistrés. Cependant, l'analyse des dégâts permet d'estimer la vitesse du vent. Ainsi, en Thudinie et dans le cendre du Condroz, le downburst engendré par le MCS du 14 juillet 2010 a semble-t-il poussé des pointes supérieures à 150 km/h (Belgorage, 2013).

Règle sixième: un downburst peut égaler en puissance la force d'une tornade moyenne 

Cette sixième règle renvoie à la notion de puissance. Il existe une échelle permettant de classer les tornades selon la vitesse des vents qu'elles engendrent sur base de l'estimation des dégâts causés par ces dernières. Cette échelle, dite de Fujita, a été conçue par le Japonais du même nom en 1971. Elle a été revue en 2004.

fujita.png

Echelle de Fujita de 1971. Source: Ma météo.

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Echelle de Fujita améliorée de 2004. Source: Météopassion.


Règle septième: les tornades ont des intensités très variables.

L'image ci-dessus donne ainsi l'exemple de quelques tornades françaises. Dans l'Hexagone, certaines tornades ont été à ce point puissantes qu'elles ont pu être classées comme F5 selon l'ancienne échelle de Fujita! En Belgique, de tels monstres ne semblent pas être survenus depuis que les observations ont commencé en 1833. Mais les exemples français nous montrent que cela reste du domaine du plausible. Les deux plus puissante tornades du 20ème siècle en Belgique se sont produites le 25 juin 1967 à Oostmalle (province d'Anvers) pour la première et le 20 septembre 1982 à Léglise (province du Luxembourg) pour la seconde. Certaines maisons ayant été sérieusement endommagées voir complètement détruites, ces tornades entrent dans l'échelon F3 des deux échelles de Fujita, peut-être même F4 si on envisage la version de 2004. Il y a quelques années, une violente tornade frappait le Val de Sambre français le 3 août 2008 et finissait sa course à quelques centaines de mètres de la frontière belge. Elle fut classée F4 sur l'échelle améliorée de 2004 (Kéraunos, 2008).

tornade-1967.jpg

Une impressionnante tornade F3 frappe le sud des Pays-Bas le 25 juin 1967, le jour même où un autre tornade atteint Oostmalle. C'est également à cette date-là que Palluel, dans le Nord-Pas-de-Calais, est complètement ravagé par une tornade de F4 - F5. Source: Météo Paris.

S'il y a peu de puissantes tornades en Belgique, le nombre de faibles tornades est un peu plus important. Il s'en produit assez régulièrement. Même si elles ne provoquent que peu de dégâts, elles doivent également être considérées comme de vraies tornades et non des "mini-tornades".

tornade-dour-4-septembre-2009.jpg

Le 4 septembre 2009, une tornade de F0 provoque quelques dégâts à Wihéries, dans le Borinage. Source: Météo Belgique.

Quand à la très médiatisée tornade de Braine-le-Comte du 1er octobre 2006, il est possible de la considérer comme ayant une force F2. Des tornades de force F1 - F2 se produisent tous les deux à trois ans en Belgique en moyenne. En 2013, une tornade de cette puissance semble être survenue le 5 février au nord de Courtrai.

Règle huitième: les tornades de grande intensité sont rares en Belgique. 

 

Ceci clôt cet article sur les phénomènes venteux destructeurs survenant au sein des orages. Dès lors, plus de confusion possible!

Publié pour le compte d'Info Météo et de Hydrométéo.

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