La transition entre le printemps et l'été météorologique fut marqué par plusieurs épisodes orageux violents, qui conduisirent malheureusement à de nombreux dégâts. Et pourtant, cette longue période ne fut pas toujours très bien cernée par les modèles... Nous retraçons ici le déroulement de ces épisodes, dans un récit plus technique puisque très peu de photos d'éclairs furent prises pendant cette période, de un parce que pour nous étudiants, les examens approchaient à grand pas, et de deux parce que la violence des précipitations ne nous facilita pas la tâche!
Déjà le 27 mai, après une journée pourtant très médiocre, le temps avait rapidement tourné à l'orage en soirée sur l'Ile de France à l'avant d'un front froid, et dans une zone où le cisaillement des vents était très important. Le résulat fut la création de violentes cellules orageuses, et dans l'Essonne, on observa des grêlons de 3 cm de diamètre, le tout sous une activité électrique parfois exubérante. Cet orage toucha ensuite l'ouest de la Belgique en deuxième partie de nuit suivante.
Le lendemain, le cocktail explosif à l'origine des orages du 29 mai se met tout doucement en place: un fort contraste de températures entre le Westhoek où il fait 18°C et l'ouest de l'Allemagne où la température dépasse parfois 30°C, un fort courant Jet soufflant sur une ligne Suisse - Pays-Bas en passant par chez nous et de l'air très humide dans les basses couches vont créer un nouvel épisode orageux.
Vers 5h00 du matin, une puissante cellule orageuse dont la taille dépasse les 20 km entre en Belgique par la région d'Arlon et l'ouest du GD du Luxembourg. Ci-dessous, l'image de l'orage à 6h10, avec la cellule faisant rage sur le nord du Luxembourg:
Une heure plus tard, les premiers coups de tonnerre se font entendre sur la province de Liège, et tandis que la première cellule se fragmente en plusieurs plus petites, un autre groupe d'orage débarque sur la région d'Arlon. Vers 8h00 du matin, ils finissent par se regrouper pour former un MCS, vaste ensemble d'orages souvent violents:
Vers 8h30, une première cellule orageuse intense atteint Liège et y séjourne une bonne trentaine de minutes, accompagnée de pluies dont l'intensité dépasse les 100 mm/h. Son déplacement lent explique l'important cumul de pluie, et les premières inondations et coulées de boues... Ci-dessous, Liège est marqué par une petite croix jaune:
Comme dans un MCS, une cellule ne vient jamais seule, il a fallu, malheureusement, qu'une seconde, tout aussi violente, s'abatte sur la cité ardente une demi-heure plus tard, achevant d'inonder ce qui ne l'était pas encore, répetant les inondations, certes de moindre importance, déjà générées par un autre orage à la mi-mai... Ce deuxième orage frappe également le pays de Herve ainsi que les Hautes Fagnes, accompagné de précipitations tout aussi violentes qu'à Liège:
Après 10h00, les orages quittent Liège pour partir s'acharner sur le Limbourg, tandis que dans la cité ardente l'heure est au recensement des dégâts. Parmi les communes les plus touchées, Ougrée, Esneux et Tilff, où les inondations ont pris une ampleur incroyable. Les relevés des précipitations pour cette journée du 29 mai sont éloquentes pour mesurer l'intensité du phénomène:
Spa*: 45 l/m²
Barchon*: 28 l/m²
Chaineux*: 26 l/m²
Frassem*: 42 l/m²
Bovigny*: 55 l/m²
Sart Tilman**: 88 l/m²
*Stations Météo Belgique: http://www.meteobelgique.be/component/option,com_static/staticfile,realtime.php/Itemid,110/?type=1 Un grand merçi pour l'autorisation.
**Station du Sart Tilman. Information obtenue dans "le Soir" du 30 mai 2008.
Cet orage laisse derrière lui des dégâts énormes. D'ailleurs, même le MCS liégeois apaisé, les ingrédients de cette vague donne naissance à d'autres orages tout aussi violents: le premier frôle l'est du pays la nuit du 29 au 30 mai, donnant quelques averses orageuses en province de Liège, et le second éclate sur l'Allemagne au soir du 30, délivrant 24000 éclairs en deux heures! Sur l'image satellite ci-dessous, on voit bien l'étendue de ces orages, exemple parfait d'un MCS:
Par la suite, la zone potentiellement orageuse s'ammenuise et s'éloigne vers l'est... pour quelques jours.
Le 2 juin, de nouvelles alertes émanent de l'IRM et de Météo Belgique: de niveau orange, elles annoncent l'arrivée d'une nouvelle vague orageuse potentiellement violente. Et effectivement, violente, elle le sera. Pourtant en matinée, rien ne laisse penser que des orages vont se développer. Même si l'air est lourd, le ciel est bas, très nuageuxsur Charleroi, tout du moins c'est ce que nous observons par les fenêtres du Collège. Pourtant, une fois midi passé, le ciel se dégage, et la température monte jusqu'à 27°C. Nous sommes dans le secteur chaud de la perturbation. Le front froid suit derrière, précédé de l'inévitable ligne de convergence (pour l'instant totalement invisible sur les images satellitaires).
Après 14h00, les premières cellules orageuses apparaissent sur l'Entre Sambre et Meuse et l'Ardenne:
Cependant, c'est seulement à partir de 14h45 que nous commencons à entendre le tonnerre. Effectivement, au sud est, le ciel est devenu très sombre... A 15h10, les premiers éclairs sont visibles vers le sud, et l'horizon sud commence à disparaître sous un épais rideau de pluie (et de grêle, comme nous l'avons appris par la suite...). Charleroi (marqué par une croix jaune) se retrouve en dessous du cumulonimbus cinq minutes plus tard:
A 15h25, c'est la fin des cours, et l'orage choisit ce moment-là pour déverser ses trombes d'eau, précédées par un vent violent souffant en rafales. Bien vite, le boulevard Adent se transforme en rivière, et le boulevard Tirou voit se former d'énormes flaques d'eau de plusieurs mètres de long (l'une d'elle, devant la librairie Molière, est particulièrement impressionnante). Au-dessus de la ville, les éclairs s'enchaînent, toutes les 5 à 10 secondes par moment, et certains coups de foudre frappent la Ville Basse.
On monte sur le R9, le petit ring de Charleroi, puis l'A 503 entre la Porte de France et Marcinelle. Sous le sortie Marcinelle-sud, l'auroute est inondée par un torrent qui dévale la bretelle d'accès. Les pluies sont tellement violentes qu'on y voit goutte (c'est le cas de le dire...) à plus de 200 mètres. Pourtant déjà, le ciel face à nous, au sud donc, commence à s'éclaircir, tandis qu'au nord il reste couleur de plomb.
A Marcinelle-Haies à 15h45, le carrefour entre l'A 503 et l'avenue Mascaux est inondée, et une coulée de boue dévale les rues avoisinantes. C'est plus tard que j'apprendrai que cette zone fait partie des lieux où les pluies se sont révélées les plus violentes. Ci-dessous, Marcinelle est représenté par la croix jaune:
En arrivant au passage à niveau de Bomerée (Montigny-le-Tilleul), la route est inondée, mais l'averse cesse. En remontant petit à petit vers les hauteurs de Montigny, je constate que la pluie y a été moins abondante, mais le quartier est sans électricité (la foudre a dû frapper la ligne à haute tension à proximité). Arrivé à la maison, j'essaye de filmer quelques éclairs, mais ce n'est pas fort évident, l'orage se trouvant déjà loin. Mais rapidement je me rends compte qu'un autre approche par le sud sud est. Et c'est grâce à cet orage que je filme les deux seuls éclairs potables de cette offensive:
Les structures nuageuses mettent bien en évidence la très forte instabilité à l'origine de ces orages. J'ai l'occasion d'observer le cisaillement des vents, avec des nuages à basse altitude venant de l'est, et à haute altitude venant du sud sud ouest. En témoignent ces stratocumulus évoluant en cumulus: Ces orages auront provoqué pas mal d'inondations dans notre région, dus aux fortes précipitations. Si à Montigny le total pluviométrique recueilli à la suite de ces intempéries se chiffre à 16 l/m², il est peu comparés au 26 l/m² tombés à Nalinnes ou encore les 40 l/m² enregistrés par la station Météo Belgique de Landelies (entité de Montigny-le-Tilleul, à quatre kilomètres de chez moi seulement!). Le total pluviométrique le plus élevé revient à la région de Diest en Brabant Flamand, avec 80 l/m². L'IRM aura compatabilisé 43 000 éclairs au-dessus de la Belgique, un chiffre remarquable mais pas exceptionnel. Certaines journées, comme le 29 juin 2005 et ses 60 000 éclairs, ont été bien plus orageuses...