Dans l'imaginaire des gens, les cyclones tropicaux (peu importe le nom, qu'ils soient ouragans ou typhons) ne se forment qu'aux basses latitudes de notre planète, frappant les continents américains et asiatiques. Cependant, en Europe, et plus particulièrement en Méditerranée, il existe des perturbations ressemblant forts à leurs collègues tropicaux: les cyclones méditerranéens, appelés aussi tropical like mediterranean storm (nom repris notamment par Kéraunos). Ils sont peu connus du grand public. Par ailleurs, les premières études sérieuses à leur propos remontent à quelques années seulement.
Le cyclone méditerranéen est une perturbation de mésoéchelle (diamètre de quelques centaines, voir quelques dizaines de kilomètres pour les plus petits spécimens) en rotation autour d'un centre parfois marqué par un oeil. Autour de ce centre se développe une importante convection engendrant d'énormes cumulonimbus étirés en spirales. Ce type de perturbation a beaucoup d'élements en commun avec les cyclones tropicaux. Ils se développent au-dessus de la mer, meurent en arrivant sur terre, ont un centre chaud, peuvent produire des vents extrêmement violents et de très fortes pluies.
Ils se forment sur des eaux relativement chaudes, à partir de la chaleur latente qui en est dégagée. Naissent ainsi d'importants complexes orageux qui finissent par entrer en rotation autour d'une dépression de surface. Cependant, et c'est là qu'intervient la nuance avec les cyclones tropicaux, on remarque que très souvent, une goutte froide (poche d'air plus froid que son voisinage) se trouve à l'aplomb du système et aide ce dernier à s'organiser.
Certains cyclones méditerranéens se forment à partir d'une dépression synoptique extra-tropicale (càd formée par un front chaud et un front froid, ce type de dépressions concerne très régulièrement l'Europe). Si les eaux sont suffisamment chaudes, la convection s'enclenche autour de la dépression, les fronts sont détruits ou repoussés, et on voit apparaître une dépression à caractère subtropical.
En raison de la relativement faible étendue de la Méditerranée et du peu d'énergie disponible, le développement, et donc la violence des cyclones méditerranéens est limitée. Les plus forts spécimens peuvent présenter des vents en rafales jusqu'à 150 km/h. Comme pour leurs homologues tropicaux, ces perturbations reçoivent parfois un nom.
Ci-dessous sont repris des cas de cyclones méditerranéens.
Cyclone Leucosia 1982
Le 23 janvier, un amas nuageux situé près de la Lybie devient rotatif et s'organise en cyclone méditerranéen. Arrivé juste au sud des côtes de Sicile, le système effectue une boucle et se dirige ensuite vers l'est. Un oeil apparaît au centre de la structure, qui présente alors des vents d'ouragan. Le 24 janvier vers midi, le cyclone atteint le maximum de son intensité. Au-dessus de la mer Ionienne, la perturbation effectue une nouvelle boucle, puis reprend son déplacement vers la Crète. Son intensité baisse heureusement, il devient tempête puis simple dépression et disparaît le 27 près de Rhodes, sans avoir concerné les terres.
Cyclone Callisto 1983
Ce système apparait le 27 septembre à partir d'orages s'organisant près du nord-ouest de la Sicile. La nuit suivante, présentant des vents de tempête tropicale, il effectue une boucle au large de la Tunisie, dont il effleure les côtes avant de s'éloigner vers le nord-ouest. Après avoir formé brièvement un petit oeil, il traverse, le 28, le sud-ouest de la Sardaigne, les vents moyens atteignent 107 km/h à Cagliari. La convection se désorganise un peu, avant de reprendre de plus belle au-dessus de la Méditerranée occidentale. Un large oeil apparaît au centre du cyclone, les vents se renforcent jusqu'à dépasser 100 km/h le 29. Tournant vers l'est, Callisto atterit sur le sud de la Corse au matin du 30, affaibli. Il émerge à nouveau sur la mer quelques heures plus tard, complètement désorganisé en dépression "tropicale". Regagnant un peu de force et se hissant à nouveau au stade de tempête "tropicale", il effleure l'Italie puis descend vers le sud, atteint la Tunisie le 2 octobre et disparaît quelques heures plus tard.
Cyclone Maximo 1985
Il est le troisième cyclone méditerranéen de cette année (les deux autres étant Terek et Fransisca) et le plus intense. Le 12 décembre, une dépression apparaît au large de Benghazi en Lybie et se dirige vers le nord-est, puis vers le nord-ouest. Restant pratiquement immobile le 13, elle s'organise en tempête "tropicale", puis reprend son déplacement vers l'ouest avec un oeil bien formé le 14 en présentant des vents moyens de 93 km/h et des rafales à plus de 120 km/h. Elle dérive petit à petit vers le sud-ouest. Le 15, Maximo s'affaiblit . La nuit du 15 au 16, il se renforce à nouveau pendant quelques heures, reformant un nouvel oeil. C'est finalement à l'état de tempête tropicale qu'il atterit à l'ouest de Sabratah, à environ 100 km de Triopli, causant quelques dégâts. Se dirigeant vers le désert du Sahara, Maximo se disloque rapidement le 17 décembre.
Cyclone Celeno 1995
Le 14 janvier, une onde dépressionnaire située sur un front ondulant s'organise à l'ouest de la Grèce en dépression "tropicale", puis en tempête "tropicale". Errant sans direction bien définie, le système se renforce et forme un oeil bien défini entouré de bandes nuageuses en spirale très organisées, faisant alors route vers le sud. Le 16, un navire allemand traverse le système et y détecte des vents moyens de 135 km/h et des rafales de 155 km/h, comparable à un ouragan de catégorie 1. Le 17, le système s'affaiblit et est déclassé en tempête "tropicale", et touche terre en Lybie, se désorganise rapidement et disparaît le 18.
Cyclone Cornelia 1996
Quatre systèmes se sont formés en 1996, et Cornelia fut le plus intense. Il se forme le 6 octobre à partir d'une dépression synoptique près des îles Baléares dont le centre a peu à peu acquis des caractéristiques tropicales (coeur chaud, convection intense en bandes spiralées...). Le système se renforce le 8 en se dirigeant, présentant des vents de force tempête tropicale et des rafales de 114 km/h. Il traverse le sud de la Sardaigne le soir même, puis bifurque vers les îles Eoliennes qu'il frappe durement (rafales à 145 km/h). La perturbation possède alors un oeil remarquablement défini. Le cyclone se désintègre et arrive très affaibli sur le détroit de Messine quelques heures plus tard en tant que dépression. Redevenant ensuite tempête le 10 en passant au sud de l'Italie, le cyclone disparaît le 11 près de la Crète.
Cyclone Zéo 2005
Le 13 décembre, une zone d'orages s'organise entre la Tunisie et la Sicile et devient ensuite une tempête "tropicale" la nuit suivante. Le système se déplace vers l'est en se renforcant, finissant par présenter des vents moyens de 93 km/h, avec un oeil bien formé le 15, alors qu'il passe entre la Crète et la Lybie, déclenchant d'ailleurs une tempête de sable dans ce pays. Zéo faiblit ensuite et atteint les côtes du Liban au matin du 16 décembre, avant de se dissipier.
Tropical-like Mediterranean Storm Rolf 2011
A partir du 7 novembre 2011, une petite dépression synoptique centrée près des Iles Baléares a commencé à montrer des signes d'intensification (augmentation de la convection liée) et des caractéristiques tropicales. La présence d'eaux douces (parfois plus de 20°C et une petite goutte froide en altitude ayant servi de déclencheur) ont favorisé ce développement. Nommée 01M par la NOAA et se déplaçant vers le nord-est, la tempête subtropicale Rolf a atteint le lendemain le maximum de son activité, présentant des vents soutenus allant jusqu'à 9 beaufort et des rafales supérieures à 120-130 km/h (comparable à une tempête tropicale modérée). Un "oeil" est alors apparu au centre de la structure nuageuse. Quelques heures plus tard, le système a commencé à se désorganiser, mais a concerné les côtes françaises entre Marseille et Nice, où des rafales de 145 km/h ont été observées sur les caps les plus exposés. Une forte houle liée à la tempête a submergé certaines zones basses du littoral. Le système a continué à s'affaiblir, la convection se dégradant tout autour du système disparaissant petit à petit. Le 9 dans l'après-midi, le système a fini par atterrir, sous une forme très affaiblie, sur les côtes du Gard, près de Nîmes et Carcassonne.
Animation des vents associés au système Rolf. Source: Infoclimat.
7 novembre 12h00 T.U. Le système s'éloigne des Iles Baléares.
8 novembre en fin de matinée. L'oeil est apparu.
9 novembre 12h00 T.U. Rolf arrive sur les côtes françaises.
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Sources:
I cycloni tropicali mediterranei, http://www.medicanes.altervista.org/
Tropical-Like Cyclone sur Wikipédia, http://it.wikipedia.org/wiki/Tropical-Like_Cyclone