Personne ne peut être passé à côté de l'information: l'éruption du volcan islandais et son énorme impact sur le trafic aérien européen, et indirectement, mondial. L'Europe a appris à connaître l'Eyjafjöll comme elle a appris à connaître l'Etna ou le Vésuve.
Les éruptions sont pourtant légion en Islande, île construite depuis des millions d'années par ses volcans. Elle connait en moyenne une éruption tous les 5 à 10 ans, et bon nombre d'entre elles ont été générées par des volcans très actifs comme l'Hekla ou le Grimsvötn, ou moins actifs comme le Katla, l'Askja ou le Krafla. Une des plus célèbres éruptions du 20ème siècle a eu lieu en Islande, ou plutôt au large de l'Islande, sur l'île d'Heimaey en 1973: la ville éponyme a été, durant cinq mois, menacées par les laves et les cendres d'un volcan né à moins d'un kilomètre des premières habitations: l'Eldfell. Au cours du dernier millénaire, l'Islande a aussi connu des éruptions d'ampleur démesurées, notamment celle de Laki en 1873 et ses 15 km³ de magma éjectés et qui eut un impact sur le climat de l'hémiphère nord. Plus loin encore, citons l'éruption d'Eldgja en 934, qui produisit 18 km³ de lave.
Aperçu général
A côté de ces géants, l'Eyjafjöll est un volcan qui ne paye guère de mine. Il est situé dans le sud de l'Islande, à environ 140 km de Reykjavik. D'une hauteur de 1666 mètres, ce stratovolcan est tronqué par une caldera sommitale de 2500 mètres de diamètre, coiffée par un glacier: l'Eyjafjallajökull. Le massif est allongé dans le sens ouest-est, en liaison avec une zone de fractures située sous l'édifice. De ce fait, les éruptions latérales de l'Eyjafjöll se sont produites essentiellement sur les flancs ouest et est. Le volcan ne possède pas réellement de chambre magmatique, mais plutôt un réseau de sills, fractures horizontales où s'accumule le magma. Ce réseau est situé à environ 6 km sous la caldera.
Première phase de l'éruption de 2010 à Fimmvörðuháls, photographiée le 3 avril.
Eyjafjöll est un volcan plutôt effusif ayant émis des basaltes, mais également des andésites, ce qui suggère qu'il a également connu des éruptions plus explosives. Lorsque ces éruptions se produisent au sommet, le contact de la lave avec le glacier multiplie l'explosivité, créant des éruptions phréatomagmatiques. Les éruptions latérales ont tendance à être plus calmes, avec coulées et fontaines de lave.
Histoire éruptive récente
L'Eyjafjöll est un volcan réputé comme étant peu actif, et ce depuis environ 10 000 ans. Très peu d'épanchements laviques ont été identifiés durant l'Holocène, ces derniers étant toutefois plus nombreux sur le flanc ouest. Trois des quatre dernières éruptions connues ont eu lieu dans la caldera sommitale.
Eruption de +/- 550
Cette éruption est peu connue. Comme les suivantes, elle a eu lieu au sommet du volcan.
Eruption de 920 (incertaine)
Cette éruption latérale serait la plus puissante des éruptions connues (hormis celle de 2010) et se serait déroulé sur le flanc nord-ouest du volcan, sous le glacier Eyjafjallajökull et aurait formé la ride de Skerin. De VEI 3, elle aurait liberé 12 millions de mètres cubes de téphras et 56 millions de mètres cubes de lave. D'importantes chutes de cendres ont pu avoir lieu autour du volcan.
Eruption de 1612
Elle a eu lieu dans la caldera. D'importance moyenne (VEI 2), elle a émis environ un million de mètres cubes de téphras (cendres et bombes).
Eruption de 1821
Commencée le 19 décembre 1821 dans la caldera, elle va durer plus d'un an, et prendre fin le 1er janvier 1823. Elle aussi de VEI 2, elle émet environ 4 millions de mètres cubes de téphras trachy-dacitiques. Le contact entre le magma et la glacier provoque des explosions phréatiques, le cendres sont riches en fluor et retombent au sud et à l'ouest du volcan. Cette activité alterne avec des phases plus effusives, plutôt stromboliennes. Des jökullhlaups (coulées de boue issues de la fonte du glacier et contenant des téphras) dévalent les pentes nord du volcan et conduisent à des inondations dévastatrices. Une de ces coulées est également observée sur le flanc sud. Quelques mois après la fin de l'éruption, l'imposant voisin de l'Eyjafjöll, le Katla, entrera à son tour en éruption.
Eruption avortée de 1999
En décembre 1999, une intrusion magmatique a eu lieu sous le flanc sud du volcan, et a été repérée via les séismes et le soulèvement du sol dans cette zone. Le magma n'a finalement pas atteint la surface. Le même phénomène a été observé sur le Katla, et pourrait avoir conduit à une très faible éruption dans la caldera de ce dernier. Le glacier n'a cependant pas été percé.
Eruption de 2010
Cette éruption va se dérouler en deux phases: une première phase latérale effusive et une seconde phase sommitale explosive. Elle sera beaucoup plus violente et volumineuse que les précédentes (VEI 4), ce qui en fait une des plus grandes éruptions islandaises depuis celle de l'Hekla en 1947.
A partir de décembre 2009, le volcan est le siège de nombreux tremblements de terre situés à quelques kilomètres sous le flanc nord du volcan. Dans le même temps, un gonflement du cône indique que du magma arrivant des profondeurs commence à remplit le réseau de sills situé sous le volcan. A partir de début mars, le sol se soulève d'environ un centimètre par jour.
Le 20 mars, en fin de soirée, un trémor commence à être enregistré par les capteurs sismiques, indiquant que le magma se fraye rapidement un chemin vers la surface. Craignant le risque de coulées de boue si l'éruption survenait sous le glacier, les autorités font évacuer les fermes des environs. L'éruption débute quelques minutes avant minuit au col de Fimmvörðuháls qui sépare l'Eyjafjöll du Katla, à environ 8 km à l'est de la caldera. Cette zone n'avait plus connu d'éruption depuis environ 10 000 ans et n'est pas recouverte par les glaces. Une fissure d'environ 400 mètres de long s'ouvre et est le siège de fontaines de lave. Un panache de cendres de moins d'un kilomètre de hauteur est emporté vers le nord-ouest, les cendres retombent sur Fljotshlid, à 20 km de là. Quelques heures plus tard, l'émission de cendres cessent, et des coulées commencent à s'épancher de la fissure.
Une des premières images de l'éruption, prise par hélicoptère le 21 mars en cours de nuit.
Une coulée de lave s'épanche en direction du nord-est et entre quelques heures plus tard en contact avec de la glace, ce qui déclenche des explosions phréatiques et l'émission d'un panache de vapeur. La lave émise est un basalte à olivine. Les personnes évacuées sont autorisées à rentrer chez elles. L'activité attire de nombreux touristes venus de Reykjavik pour une grande part.
Fontaines de lave le 22 mars 2010
Le 26 mars, seule l'extrémité nord-est de la fissure est encore active, deux cônes s'y construisent et sont le siège d'une activité strombolienne. Une deuxième coulée s'épanche un peu plus à l'ouest de la première.
Vidéo de l'éruption le 26 mars.
Dans le même laps de temps, l'activité sismique reste très intense sous le col. A partir du 27 mars, un seul cône reste actif et produit une faible activité strombolienne. Les coulées se sont épanchées jusqu'à 2900 mètres du point d'émission.
Chutes de lave
Le 31 mars au soir, une nouvelle fissure s'ouvre un peu au nord-ouest de la première. Les deux fissures restent actives jusqu'au 7 avril, date à laquelle la fissure ouverte le 20 mars se tarit, suivie le 12 avril par la deuxième. Deux cônes ont été formés durant cette éruption, et culminent à 47 et 82 mètres.
Le 13 avril, à partir de 23h00, l'Eyjafjöll tremble à nouveau, mais cette fois, au niveau de la caldera. Le magma atteint le surface le 14 avril à 1h00 du matin. La première partie de cette deuxième phase est très violente, phréatoplinienne (terme parfois employé pour désigner de violentes éruptions phréatique continues). Une fissure de 500 mètres de long s'ouvre au centre du cratère et expulse un panache de cendres et de vapeur de 8000 mètres de haut. Les cendres sont emportées vers le sud-est. La crainte de jökullhlaups conduit à l'évacutation de plusieurs centaines de personnes. A 7h00 du matin, une coulée de boue se déclenche sur le flanc nord, et atteint un débit de 3000 m³/s.
Nuage de cendres s'élevant au-dessus de l'Eyjafjöll le 14 avril 2010.
Début du jökullhlaups sur le flanc nord du volcan et premières images du panache de vapeur
Le 15 avril, l'éruption devient encore plus intense, le panache culmine alors à 11 000 mètres au plus fort des explosions. Son arrivée dans le nord de l'Europe entraîne l'interruption de tous les vols en Scandinavie, en Grande-Bretagne et en Irlande, puis en Belgique, dans le nord de la France, au Pays-Bas, en Allemagne et au Danemark. Cette interruption sera encore étendue les jours suivants. Des pluies de cendres considérables concernent la côte sud de l'Islande, notamment le village de Vik. Des bombes de plusieurs tonnes sont envoyées jusqu'à 1000 mètres d'altitude.
Eclairs dans le panache de l'Eyjafjöll la nuit du 15 au 16 avril, générés par la friction entre les particules de cendres. Le panache de cendres en route vers l'Europe, tel qu'il fut visible par les satellites le 15 avril vers midi. Durant les deux jours suivants, le volcan continue d'envoyer un panache de cendres a plus de 5000 mètres de haut. Durant les 72 premières heures de l'éruption, environ 140 millions de mètres cubes de téphras ont été produits. Ce volume non compacté équivaut à 70 à 80 millions de mètres cubes de magma riche en fluor et en silice (58 %), d'où l'explosivité, accrue ici par la présence du glacier. Ce magma initialement basaltique aurait été mis en place lors de l'éruption de 1821 dans une poche à faible profondeur sous le cratère, où il s'est changé en trachy-andésite au contact de la roche. L'arrivée de magma frais l'a forcé à remonter durant les premiers jours de l'éruption de 2010. L'Eyjafjöll vu par les webcams le 16 avril au soir. En Europe, le nuage de cendres ne semblent pas vouloir s'évacuer. La fermeture de l'espace aérien de nombreux pays est prolongée à plusieurs reprises. Le 17 avril, l'éruption devient plus intermittente, avec des phases explosives expulsant des panaches chargés en cendres, et d'autres plus calme où seul un imposant panache de vapeur est visible. Etat du volcan le 17 avril
Eclairs "volcaniques" le 17 avril 2010
Vidéo des explosions dans le cratère vues depuis un hélicoptère, le 18 avril 2010.
A partir du 18 avril, l'éruption commence à perdre de son intensité. En effet, une grande partie de la glace entourant la bouche éruptive a été éliminée, et le magma, alors trachy-andésitique, tend à devenir basaltique. Les explosions phréatomagmatique se font moins violentes, et la lave est enfin visible au fond du cratère. Des explosions stromboliennes expulsent des bombes incandescentes à plusieurs centaines de mètres, et cette activité est visible depuis les plaines avoisinnantes. Explosions stromboliennes et panache de cendres sur l'Eyjafjöll le 19 avril 2010.
Vidéos des premiers jours de l'éruption. La première montre l'éruption latérale de mars, les deux suivantes ont été réalisées les 14 et 17/18 avril.
Le 19 avril, une coulée de lave commence à s'épancher vers le nord, et un cône commence à s'édifier autour du cratère nord, à présent la seule portion de la fissure initiale encore active. Un panache de cendres est toujours observé, mais son altitude ne dépasse que rarement les 5000 mètres. Le lendemain et les jours suivants, l'activité ne change guère, gardant son caractère strombolien à phréatique. Cette baisse d'intensité permet aux aéroports européens de réouvrir les uns après les autres.
Activité strombolienne au matin du 20 avril.
Pendant deux semaines, le volcan va garder une activité strombolienne à phréatique. Les coulées de lave vont s'épancher jusqu'au bord nord du glacier. Le 4 mai, une nouvelle crise sismique se déclenche sous l'Eyjafjöll, indiquant l'arrivée de magma. Les 6 et 7 mai, le volcan connaît une puissante activité explosive intense, crachant un panache continu de cendres à 9 km d'altitude. Les vents l'emportent vers le sud. Les 8, 9 et 10 mai, des aéroports portugais, espagnols, marocains et français doivent fermer suite à l'arrivée du nuage de cendres. Le débit des coulées de lave baisse fortement.
6 mai.
Vue satellite du panache de cendres le 7 mai.
Le même jour, le panache vu par les webcams.
Vue du cratère le 7 mai.
Au soir du 7 mai.
Activité strombolienne à phréatique dans le cratère de l'Eyjafjöll le soir du 8 mai.
Les 10 et 11 mai, nouvelle crise sismique, nouvel apport de magma.
Vue de l'éruption le matin du 11 mai. Le 12 mai en fin d'après-midi, l'Eyjafjöll entre dans une nouvelle phase explosive violente. Le panache, à nouveau alimenté en continu et très chargé en cendres, dépasse les 6000 mètres d'altitude, montant parfois à 9000 mètres, et est à nouveau entraîné vers l'Europe. Des chutes de cendres concernent les régions situées à l'est et au sud-est du cratère. Par contre, la crise sismique s'est achevée la veille. Cette nouvelle crise semble plus importante que celle du 6 mai, mais pas aussi importante que celle de la mi-avril (même si la violence s'en rapproche).
Début de la séquence explosive (subplinienne?) le 12 mai.
Vidéo prise le soir du 13 mai à 10 km du volcan. Le panache éruptif est alimenté en continu.
La suite de l'éruption: http://hydrometeo.e-monsite.com/rubrique,eyjafjoll-2,1204876.html