Récit
Après un superbe dimanche estival au cours duquel la température maximale aura atteint 26,9°C, le lundi annonce une nouvelle semaine... mais aussi de nouveaux orages. Prévus par les différents modèles depuis près d'une semaine maintenant, ils s'annoncent costauds là où ils éclateront. Maintenant, il fallait encore savoir où les-dits orages allaient se former.
Ce lundi 25 mai commence sous un ciel nuageux au-dessus de Charleroi, pas très idéal pour faire monter les températures. Pourtant, tous les signes préorageux sont là: altocumulus et cirrocumulus envahissent le ciel, signe d'une instabilité non-négligeable à l'étage moyen de l'atmosphère.
A partir de 11h00, le ciel se dégage, et l'air s'échauffe. Il fait presque étouffant au soleil. Mais ce beau temps ne dure guère, car à 12h45, début du temps de midi au collège, le ciel commence à se couvrir, et l'air s'alourdit. Une demi-heure plus tard, il est carrément devenu irrespirable, tandis qu'au sud s'ammoncellent d'épais cumulus (ou cumulonimbus). Pas de doute, il doit y avoir un orage là-bas, vers l'Entre-Sambre-Et-Meuse. Un grand éclair internuageux bifide vient me le confirmer à 13h30, mais ce sera le seul. En réalité (et je ne le saurai que plus tard), j'observe là la partie nord d'un puissant système multicellulaire qui circule sur la région de Couvin et de Viroinval, apportant des grêlons de 4 cm de diamètre et une activité électrique intense.
Le reste de l'après-midi se déroule pratiquement normalement. Vers 14h30, un dernier éclair se produit dans l'épaisse enclume qui recouvre la région, puis le ciel se dégage lorsque j'arrive à Montigny. Un coup d'oeil jeté sur le radar m'indique l'existence du puissant orage dont j'ai parlé plus haut, ainsi que du développement de plusieurs cellules sur le Nord-Pas-de-Calais. Mais pour l'instant, rien pour nous.
Et cette situation n'évoluera guère durant les prochaines heures. De puissants orages défilent à l'ouest, du côté de Lille et de la Flandre occidentale. De mon côté, seul quelques altocumulus et cirrus spissatus défilent dans le ciel, mais ne voyant rien venir, je décide d'aller dormir, non sans avoir programmé le réveil de mon gsm à 4h00, heure à laquelle les orages devraient approcher de notre région.
Et c'est avec deux heures d'avance que ces derniers arrivent. A 2h19, un puissant flash me tire de mon sommeil. Il me faut pourtant plusieurs secondes pour me rendre compte qu'un orage arrive au grand galop du sud-ouest. Je décide de me lever, et d'aller jeter un coup d'oeil à la fenêtre. Le ciel est couvert vers le nord. Puis, tournant la tête vers l'ouest, je repère une formation nuageuse typique des orages organisés: un arcus "denté" fonce tête baissée sur Montigny. Il ne lui faut même pas une minute pour arriver à ma hauteur: durant plusieurs dizaines de secondes, un souffle de vent puissant balaye le quartier, pliant les arbres. Plusieurs branches sont emportées, des feuilles volent à l'horizontale, les rafales s'engouffrent par le vélux, si bien que je suis obligé de le rabattre pour éviter que mes cours posés sur le bureau ne s'envolent à travers ma chambre.
C'est au même moment que je me rends compte de l'intensité de l'activité électrique de cet orage: au sud-ouest, derrière l'arcus, les éclairs se multiplient, quelques gouttes commencent à tomber, et je décide rapidement de descendre au premier étage pour aller voir arriver l'orage. Mais avant tout, opération "débranchement en série des appareils électriques". Toute la famille est éveillée, ce qui confirme la violence du foyer qui approche à toute vitesse (d'ordinaire, il y en a toujours bien un "qui n'entend rien :) )
De gros claquements se font entendre: il grêle, mais pas des petits grêlons comme on a l'habitude d'avoir. Ici, ce sont presque des "glaçons d'apéro" comme je dirai plus tard (non sans une petite pointe d'exagération) d'environ 1 à 2 cm qui viennent s'écraser sur les vélux. Les éclairs sont tous intranuageux, et illuminent le ciel de manière quasi-incessante. Je compte en moyenne un éclair toutes les 1 à 3 secondes, mais par moment, il s'en produit deux-trois à la seconde, avec de temps en temps une pose un peu plus longue, mais jamais il ne s'écoule plus de 5 secondes entre deux éclairs (comme ça vous avez l'anayse complète).
Il est 2h28 quand je commence à filmer. Le ton est donné, si bien que la première pensée qui me vient à l'esprit à propos du caractère de cet orage est que j'ai affaire à une supercellule. A ce moment-là, la pluie remplace petit à petit la grêle, et devient très intense, tombant en bourrasques. Le tonnerre est plutôt faible, mais pas inexistant. L'orage arrive déjà au zénith, et des éclairs s'allument dans toutes les directions. Enfin, les premiers internuageux apparaissent, mais restent encore petits et noyés dans les nappes des éclairs intranuageux:
De temps en temps, la fréquence des éclairs faiblit un peu, pour repartir de plus belle par la suite. Certains de ces éclairs illuminent le ciel comme en plein jour. Cet orage me fait un peu penser à celui qui avait généré la tornade d'Hautmont le 3 août dernier, et dont j'avais regardé l'incessante activité électrique depuis Montigny. A la seule différence près que tous les éclairs, sans exception, avaient été intranuageux. Ici, certaines décharges commencent franchement à se montrer, mais elles restent assez peu lumineuses comparées à celles qui viendront plus tard.
2h32: Ce ne sont pas les éclairs qui manquent! Entre les internuageux spiders et les puissants intranuageux, on a le choix! Mais aucun de ces éclairs ne daigne toucher le sol.
2h34: L'orage est juste au nord-est de Montigny, mais quelques éclairs arrivent encore à se produire au zénith:
C'est à ce moment-là que je change mon opinion vis-à-vis de cet orage, après avoir observé attentivement la répartition des éclairs. Ce qui vient de passer n'était pas une supercellule, mais plutôt une ligne d'orages massive. D'ailleurs, un nouveau foyer intense circule en ce moment à l'ouest-sud-ouest de Montigny et je décide donc d'aller voir de quoi il retourne de ce côté. Le déluge s'est calmé, il ne tombe plus qu'une pluie légère.
2h36: La cellule qui s'éloigne continue d'envoyer des décharges rampantes par-dessus le quartier...
... auxquelles répondent celles issues de l'orage présent sur la rive gauche de la Sambre. Les deux foyers confondus, il y a maintenant un éclair toutes les 2 à 6 secondes. A partir de ce moment, j'ai droit à un véritable festival d'éclairs horizontaux.
Tous orientés du nord vers le sud!
Et souvent à plusieurs branches.
2h42: Deux éclairs simultanés: un intra au centre de l'orage de la rive gauche, et un inter sur son bord est:
La ligne d'orages se déplace vers le nord-nord-est pour de bon, et je remonte dans ma chambre donnant vers le nord. Il pleut à nouveau assez bien, mais cela reste suffisamment raisonnable pour que je puisse entrouvrir mon velux, et continuer à filmer le "son et lumière" qui se renforce à nouveau avec près d'un éclair par secondes. C'est à ce moment-là que se produit l'un des plus beaux éclairs de cet orage:
D'autres décharges se produisent par la suite:
... Mais l'on sent bien que la ligne d'orages continue à s'éloigner. D'ailleurs, à cette heure-ci, elle aborde déjà Bruxelles. Pourtant, aussi loin soit elle, l'épaisse enclume et les restes de cumulus qui constituent sa partie arrière continuent de donner des éclairs. Ils me délivrent même le premier (et le seul) coup de foudre filmé au cours de cet épisode:
Comme pour l'orage du 25 juin 2008, la violence et la proximité d'éclairs comme celui-ci font "morfler" l'appareil photo. Enfin, c'est déjà mieux que rien... Ci-dessous, l'extinction du canal:
La valse des spiders continuent, il est maintenant 2h50, et la pluie, enfin, décide de s'arrêter:
Cette fois, je sens la fin du spectacle arriver, la fréquence des éclairs diminue, et la ligne d'orages disparaît à l'horizon nord. Pourtant, elle daigne encore m'offrir un énorme éclair internuageux vers 2h55, probablement le plus beau de cet épisode:
Un petit dernier pour la route peu avant 3h00:
C'est à ce moment-là que je décide d'arrêter de filmer. Mais avant de retourner dormir, j'en profite pour aller chercher les cartes radar de cet épisode (celles que vous avez pu voir sur la page précédente), et confirme ce que j'avais pressenti tandis que l'orage passait au-dessus de nos têtes: c'est bien un MCS formé d'une ligne d'orages fermée qui est passé sur le pays. Il me faudra attendre demain pour que je prenne vraiment conscience de la violence de ces orages en regardant les journaux télévisés du soir et la multitude de dégâts qu'ils rapporteront.
Par la suite, et pendant encore environ une heure, quelques éclairs, certains intenses, continueront d'illuminer le ciel de la région, comme cela arrive souvent lorsqu'une ligne d'orages s'éloigne: si la majeure partie de l'activité électrique se concentre sous cette ligne, quelques impacts arrivent néanmoins à se produire à l'arrière... Mais ayant suffisamment vu d'éclairs pour la nuit, je prends la sage décision de retourner dormir.
Voilà donc un orage qui sera difficile à battre vu la conjonction des quatre éléments que sont la grêle, les fortes pluies, le vent et l'activité électrique intense. Avis aux amateurs... sans dégâts, espérons-le!
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